Les éditos de la cuisine

Attention, risques de pénurie

Jouer avec le feu, se faire peur, autant de sensations qui donnent l’impression d’être vivant. On peut comprendre alors que pour sauver un monde, faire peur est une solution efficace. Faire peur comme moyen de dominer, de contrôler, ou plus exactement d’exacerber.

L’information a été diffusée le 1er avril. Ma première pensée a été « Propaganda » (E. Bernays), d’une manière tellement grossière qu’on se demande à quel point l’être humain lambda, le point dans la masse, est pris pour un imbécile. Puis, on m’a fait remarquer la date, et qu’il s’agissait probablement d’un canular, c’était un peu gros comme information.

Et bien non, l’ONU et l’OMC s’inquiètent (pas les individus dans les bâtiments, l’entité partenaire du Marché). Les échanges mondiaux qui diminuent vont être la cause d’une pénurie et d’une aggravation des famines. Le message est relayé beaucoup plus vite dans les pays où l’accès à internet est permanent, les mêmes où la panique aurait pu créer des pénuries sans manque de produits. On peut imaginer la nouvelle vague d’achats compulsifs à cette annonce, et la frénésie dès la fin des confinements. La famine serait accentuée dans certains pays. Parle-t-on de ceux où les terres agricoles appartiennent à des entreprises étrangères et sont utilisées pour l’export vers leurs pays ? Nous devrions avoir moins de chocolat, moins de café et moins de banane ? Parce que pour les pommes, les tomates, les haricots verts, il suffirait de se tourner vers les productions locales voire de pays voisins (c’est bon les oranges aussi).

Dans un monde utopique, les productions iraient d’abord pour la population intérieure puis l’excédent ferait partie des échanges avec des produits que l’on ne peut pas produire. Mais pour certains aliments de base, chacun produirait et consommerait. Ce qui permettrait aux pays qui connaissent déjà la famine, la pénurie ou la disette de nourrir la population. On pourrait même imaginer un système agricole basé sur des exploitations de petites et moyennes tailles permettant de conserver une proximité d’approvisionnement, une diversité de productions et un équilibre à la fois sanitaire mais aussi économique, la diversité des cultures limite les risques de perte totale des cultures.

Est-ce qu’un virus peut remettre en cause un fonctionnement de type « mondialisation » ? L’expansion d’une maladie alors que d’autres restent assez localisées - ce qui expliquent que les milliers de morts annuels ailleurs ne nous effleurent pas plus que ça - peut-elle faire prendre conscience de ce qu’est la mondialisation ? Il s’agit d’un système mis en place par des multinationales, une domination du monde non pas par la politique mais par l’instauration d’un système économique et financier pour de l’argent et l’enrichissement d’un petit nombre de personnes. Ce qui est terrible, c’est que l’idée de base « utiliser les instincts primaires de la masse » est toujours d’actualité. Quand un directeur de site touristique dit qu’il faudra deux à trois ans pour retrouver la clientèle étrangère, on peut se demander ce qui motive cette crainte. Ceux qui ont les moyens de venir séjourner en France font partie de pays touchés, pourquoi auraient-ils plus d’inquiétude qu’en restant chez eux ou en allant ailleurs ? L’intérêt de la panique peut être aussi financier du côté de la masse : pour avoir des aides il faut être inquiet et le discours reste le meilleur argument de l’avenir.

Certains découvrent que l’alimentation vient de l’agriculture, qu’il faut de la main-d’œuvre, donc que c’est un secteur qui pourrait être pourvoyeur d’emploi (actuellement, il l’est pour des ouvriers d’autres pays n’ayant pas peur de l’effort physique). Dans quelques temps peut-être les cours sur la désertification rurale, l’urbanisation et le développement du secteur tertiaire vont revenir à la mémoire. D’autres se rendent compte qu’à côté de chez eux il y a des commerces dits de proximité, que boulanger c’est un métier d’artisan, que l’épicier s’il est un peu plus cher, parce que le prix ne peut être bas que sur la masse vendue, a toutes sortes de produits. Encore un peu, et on découvrira qu’il y a des producteurs, des artisans, des commerçants qui font le maillage le plus important d’entreprises en France. C’est un peu comme découvrir que le fromage a nécessité une vache, une brebis, une chèvre et qu’il a fallu qu’elle ait un veau, agneau, chevreau pour avoir du lait.

Redécouvrir le monde, le découvrir même.

La pénurie dans un monde où les excédents obligent à mettre des quotas et poussent au gaspillage alimentaire. La pénurie dans un monde où ce qui pose souci est la répartition et l’emprise sur les terres agricoles de multinationales, de pays et d’une vision agricole dominante intensive et de monocultures. La peur pour contrôler les masses et faire passer les idées qui crée la vraie pénurie

Le cercle est vicieux et semble ne jamais s’arrêter.

Back to Top